Association des Mycologues Francophones de Belgique asbl
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Techniques et Conseils.

Le présent s’éclaire à la lumière du passé.

AMFBNous avons eu le très grand plaisir, grâce à notre ami suisse Guy Auderset, de pouvoir consulter un livre remarquable, que nous choisissons de recommander à tout microscopiste digne de ce nom.

« Le microscope, sa construction, son maniement, la technique microscopique en général ; la photomicro-graphie ; le passé et l'avenir du microscope. »

Il a été rédigé par le Dr. Henri Van Heurk (1839-1909), professeur de botanique et directeur du Jardin Botanique d’Anvers ; la 4ème édition a été publiée à compte d’auteur en 1891. Vu son âge, il pourrait paraître désuet, mais il est riche d’enseignements et d’une actualité certaine malgré son statut de plus que centenaire. Il est également intéressant de noter que l’auteur a écrit le manuscrit de la 1ère édition (104 pages) en 1858, alors qu’il n’avait pas 20 ans.
Ce scientifique belge a remarquablement collaboré au développement du microscope et de ses applications ; il était régulièrement consulté par Carl Zeiss de Jena, pour tester les premiers objectifs apochromatiques sur son matériel de travail et d’étude, idéal pour ces essais : les Diatomées.
Cet ouvrage est évidemment introuvable dans sa version papier mais nous en possédons une version numérisée, qui est accessible sur le site de l’AMFB (pdf, 33,1 Mo).

Quelques informations intéressantes :

AMFBA propos du format des lames porte-objet
➢ On rencontre parfois, dans d’anciennes collections, des lames de 48 x 28 mm ; c’est le format dit « de Giessen » qui n'a guère été employé qu'en Allemagne.
➢ Le format anglais est le standard actuel : 76 x 25 mm.
➢ Il est préférable d’acheter des lames rodées, car le rodage des bords prévient les coupures et préserve également la platine des égratignures.

Un paragraphe nous a particulièrement intéressé : « Milieux pour l’observation, la préparation et la conservation des objets microscopiques. »
Nous y avons trouvé nombre de renseignements sombrés dans une forme d’oubli, mais particulièrement intéressants.
En partant du principe qu’on ne peut observer un objet à sec, il est donc nécessaire de l’immerger dans un milieu approprié, présentant plusieurs qualités essentielles :
• Neutralité.
• Ne générant pas de gonflement.
• Non dissolvant.
• Non desséchant.

Les milieux d’observation et (ou) de montage (semi-définitif ou définitif).

Les milieux aqueux

1. L’eau bidistillée

Pour I‘examen superficiel des organes végétaux ou fongiques, I'eau s’avère correcte dans nombre de cas ; les limites sont atteintes lorsqu’il s’agit d’observer des tissus qui doivent être éclaircis, c'est-à-dire rendus plus transparents.

2. Le chlorure de calcium

Il s'emploie en solution dans l’eau bidistillée : 1x CaCl2 et 3x H2O ; bien mélanger et filtrer.
Attention : il altère l’amidon.

3. La glycérine gélatinée de Kaiser

Elle est toujours employée à ce jour, incolore ou colorée dans la masse. Elle donne de remarquables résultats sur les grains de pollen.
Laisser regonfler 10 g de gélatine pure (E441) dans 60 g d’eau bidistillée durant 24 heures ; chauffer au bain Marie à 60° jusqu’à dissolution ; ajouter 70 g de glycérine extra pure et 1 g de phénol. Laisser sur l’agitateur magnétique jusqu’à refroidissement, et donc coagulation (point de fusion entre 27 & 32°).
Inconvénient : il faut l’amener au point de fusion avant utilisation.

4. L’eau saccarinée

La saccarine (ou saccharine – E954) est un édulcorant artificiel très puissant, au pouvoir sucrant de 300 à 400 fois plus élevé que celui du sucre traditionnel.
Préparer à chaud une solution aqueuse à 1/1000 ; pas de limite de conservation.
H. Van Heurk considérait que c’était le seul liquide à même de conserver Ies spires délicates de chlorophylle qui se trouvent dans certaines algues, comme les Spirogyres.

Les milieux résineux

Leur inconvénient majeur est la nécessité d’une déshydratation totale, ce qui est particulièrement préjudiciable en mycologie.

1. Le baume du Canada

Nous ne développerons pas ce sujet ici, car il a été abondamment commenté ailleurs. Un reproche lui est adressé : il jaunit au fil du temps.

2. Le styrax et le liquidembar

Le styrax résulte du traitement de la résine de Liquidambar Orientalis Mill. (qui pousse en Asie mineure), tandis que le second est extrait de Liquidambar styraciflua L. (Amérique du Nord).
H. Van Heurk utilise ce(s) médium(s) pour le montage définitif des diatomées dès 1883. Cela a constitué une véritable révolution, qui a éclipsé tous les autres milieux, notamment en révélant des détails de structure invisibles jusqu’à ce jour, même dans le baume du Canada ; ajoutons également que ces résines sont parfaitement incolores et ne jaunissent en aucune manière.
Le styrax nécessite un traitement préparatoire au chloroforme et présente un n = 1.63.
Il faut savoir également qu’il rend visibles les détails du noyau des cellules végétales, préalablement coloré par I'hématoxyline. Cette coloration s'y conserve très bien ; le cytoplasme devient invisible, tandis que les détails du noyau apparaissent avec la plus grande netteté.

H. Van Heurk développe également une théorie qui nous paraît des plus intéressantes.

Un corps quelconque plongé dans un liquide est d’autant plus visible qu'il y a plus de différence entre leurs indices de réfraction respectifs.

Avant d’explorer cette idée, il nous paraît important de rappeler 2 notions essentielles qu’il est important de ne pas confondre.
+++ L’indice de réfraction : c’est une valeur numérique (sans unité) caractéristique d'un milieu précis, décrivant le comportement de la lumière dans ce milieu ; il est représenté par la lettre « n ou N». Ou encore : il sert à exprimer le rapport entre la vitesse de la lumière dans le vide et la vitesse de la lumière dans le milieu de propagation.

Quelques indices de réfractions intéressants à connaître parmi les produits que nous utilisons :
air 1,0003 Euparal 1,481
éthanol 1,329 chloral lactophénol 1,49
eau bidistillée 1,333 histolaque +/- 1,5
ammoniaque +/- 1,3 gomme arabique (milieu de Hoyer) 1,512
PVA 1,382 baume du Canada au xylène 1,526
PVA lactophénolé 1,4 huile à immersion de marque xxx 1,515
Aquatex 1,4 notre huile à immersion synthétique 1,53
glycérine 1,47 huile à immersion Zeiss 1,55
verre de microscopie 1,46 à 1,5 glycérol pour microscopie 1,7
glycérine gélatinée 1,47 glycérine iodo-mercurique 1,8
Pour info → diamant pur = 2,42 à 2,75

 

+++ L’ouverture numérique (ON) d’un objectif : c’est le produit de l’indice de réfraction du milieu entre la lentille frontale et la lame couvre-objet par le sinus de la moitié de l’angle d’ouverture. Dans l’air, le grossissement maximum, avec une image bien nette, peut difficilement dépasser 500 fois l’ouverture numérique. Au-delà de cette limite, on peut voir apparaître des artéfacts créés par des images de diffraction. L’air possède un indice de 1 tandis que l’huile à immersion affiche un indice de 1,53 ; l’huile permet donc des grossissements 1,53 fois plus grands que l’air.

Qu’en est-il de cette notion de visibilité entre les corps ?

H. Van Heurk avait évalué le n de la silice à 1,43.
Comme le n de l’eau est 1,33, il considère que la visibilité d’une diatomée dans l’eau est de -10 (1,33 – 1,43). Dans le baume du Canada (n = 1,53), la visibilité est de 10 (1,53 – 1,43).
Dans le styrax (n = 1,6), la visibilité est de 17.
Il a ensuite exploré des médiums chimiques, dans des conditions expérimentales très difficiles à reproduire pour un amateur, et de toute manière déconseillées vu le niveau de dangerosité élevé.
Monobromure de naphtaline : n = 1,66, donc visibilité de 23.
lodure de méthyle : n = 1,74, donc visibilité de 31.
Si on sature ce dernier de soufre, n = 1,79, donc visibilité de 36.
Solution froide de réalgar dans du bromure d‘arsenic, n = 2,12, donc visibilité de 69.
Si on chauffe, le n passe à 2,25.
Chaque fois qu’il augmentait la visibilité, il découvrait sur le squelette siliceux des diatomées des détails, qui étaient restés invisibles jusque là. Il ne faut pas oublier que cela se passait avant 1900, donc il y plus de 110 ans, avec des optiques de bien moindre qualité qu’à présent.

A ce jour, et en ce qui nous concerne (nous, les amateurs), nous avons à notre disposition un médium de haut indice de réfraction, très facile à acquérir et à utiliser : le glycérol extra pur pour microscopie : n = 1,70, donc visibilité de 27.
Pour le montage définitif des diatomées, un professeur de chimie américain, W.P. Dailey, a mis au point le ZRAX, avec également un n = 1,70.
Dans les tissus biologiques (végétaux, animaux, fongiques), le n varie de 1,35 à 1,45 ; sa valeur dépend essentiellement de la teneur en eau du tissu ; à titre informatif, le n d’un tissu complètement déshydraté est de l’ordre de 1,55.

Comment tester la qualité d’un objectif ?

Aux alentours de 1850, un habile opticien allemand, J.A. Nobert (1806- 1881), a imaginé de tracer sur une plaque de verre des séries de lignes de plus en plus rapprochées les unes des autres. Les tests ou tables d'épreuve de Nobert, comme on les nomme, sont vraiment merveilleux et on a ignoré, jusqu'à sa mort, quel était le procédé employé par ce constructeur pour arriver à tracer des lignes aussi fines et aussi rapprochées. Ce test comptait 19 groupes ; dans le 1er, on trouvait 443 lignes par mm …. Dans le 9ème, il y avait 2215 lignes/mm et dans le 19ème, il y avait 4430 lignes/mm, soit quasi 5 lignes par micron. L’incrémentation de ligne en ligne est de l’ordre de 221 ou 222 traits, alternativement.
Ce test permettait d’évaluer le pouvoir de résolution, et donc la qualité d’un objectif.

30 à 40 ans plus tard, un habile préparateur, J.D. Möller (1844-1907), fabrique un autre type de test formé de 20 diatomées placées sur une ligne, et de plus en plus difficiles à résoudre. La plus exigeante sur le plan de la résolution est Amphipleura pellucida dont la frustule est parcourue de 3.700 stries/mm ; cela correspond aux groupes 15–16 de Nobert.
Ce genre de test est encore utilisé à l’heure actuelle et des lames de ce type peuvent se trouver chez des diatomistes de renom, en France ou en Grande-Bretagne.

Quelques notions importantes à maîtriser !

Le grossissement utile d’un microscope

Les opticiens ont déterminé que le pouvoir séparateur (PS) d’un œil humain parfait est de 0,15 mm, soit 150 µm.
Le PS d'un microscope optique est de 0,21 µm (pour un objectif avec une ON de 1,40) ou de 0,25 µm pour un objectif avec une ON de 1,25.
Le grossissement utile d'un microscope optique est le quotient du PS de l’œil par le PS de l’objectif, soit, dans les meilleures conditions, 150/0,2 = 750 x.
Cela signifie qu'au delà de ce grossissement on n'apporte plus d'information supplémentaire au niveau de la séparation sauf en utilisant, comme récepteur, une pellicule photographique dont le PS (donné par le grain de la pellicule) est inférieur à celui de notre œil.

Le grossissement optique d’un microscope

Nous n’allons pas entrer ici dans des calculs complexes ou des démonstrations compréhensibles seulement par des physiciens, mais retenez simplement que le grossissement maximum de votre appareil se calcule de la manière suivante : ON de l’objectif x 100.
Pour un objectif plan achromatique dont l’ON est de 1,25, le grossissement exploitable sera de 1.250x ; il sera donc parfaitement inutile d’acheter des oculaires de 15 ou 20x proposés par des vendeurs peu scrupuleux, car l’image obtenue sera quasi nulle au niveau de la qualité et de l’interprétation.

(pdf, 115 Ko).

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